domingo, 24 de noviembre de 2013

Poèmes de Omar Youssef Souleimane (Syrie) en français

 UN CYCLE DE PLUSIEURS ANNEES

Son sang a recouvert tous ses vêtements
recouvert le seuil de la maison
recouvert les murs du monde
son cycle mensuel a duré des années
il a recouvert de sang la face du soleil
seule la Méditerranée attend toujours la lune
la fille a promis de l'épouser par une nuit d'argent
la fille en sang a croisé ses doigts en feu
assise sur un tapis de vent
mais la mer est la mer
le cycle de la Syrie est celui d'une lune qui enfante




LA GUERRE DE L'AIR

Pas de tonnerre ni d'éclair dans le ciel de Paris
aujourd'hui
parce que les avions et les fusées ont déchiré la nuit syrienne
les pas du fils de ma voisine ne se sont pas embrasés parce qu'un enfant damascène a trempé son doigt dans sa blessure
ce doigt a empêché le sang de couler
mais il a assassiné la distance
mais ceux dont les instants ont passé comme le bruit du métro sur le gravier des tunnels
rien ne les a poussés au suicide sinon les abîmes de désespoir de mon pays
la terre : une fenêtre
la guerre : de l'air


LE PLUS BEAU DANS CETTE GUERRE C'EST JE NE SUIS PAS MORT

j'ai traversé la rue que ce fut beau
la vie c'était la main agitée par une petite fille de l'autre côté
j'y ai lu ce que j'avais déjà vécu
ce n'était qu'un avant-goût de ce que j'allais connaître
il est bon que personne n'ait pleuré cet après-midi-là
personne ne connaissait le gisant
sa dépouille s'est évaporée
puis il est devenu nuage entourant la caméra dans ma main
je n'ai pris que sa carte d'identité : une balle a fait exploser sa tête
entre la balle et la caméra j'ai vu la vie comme la robe longue de ma mère
cette robe que j'agrippais quand j'étais petit
quand qu'elle voulait partir
qu'il est bon de te faire souffrir
je te détruis avant que tu ne m'élimines
chacun son tour
tu as détruit ma maison
j'ai dansé seul dans le dénuement
tu as coupé les pieds de mon frère
je lui ai acheté des chaussures à sa taille
tu as pris mon ami
je t'ai regardé de mon regard de loup
alors que je marchais sur le fil
ne vis-tu que pour éliminer les autres
je ne vis plus que pour t'éliminer
toi, la mort
/
ce qui s'est passé fut beau
ce que la mort a fait dans cette guerre fut beau
mais le plus beau c'est que je ne suis pas mort
que vaut le miroir sans l'oeil
que vaut la fin de la mort
si je suis mort
/
merci monsieur : mort


LA MORT LOIN DE LA MORT

Sais-tu quand l'odeur du café deviendra un voyage vers la mer
où tu verras un châle suspendu à la corde à linge prêt à s'envoler
sais-tu quand la rose abandonnée sur le balcon deviendra une journée
de promenade
où le savon de la maisonnée, le parfum et le net seront des rivières de chansons
le sais-tu?
Après une nuit d'affrontements où les balles ont criblé les fenêtres de ta maison
tu attends la mort
la mort est partout
mais elle ne vient pas
le 18 avril
à Homs
les fusils ont ouvert leurs gueules embrasant la bouche des roses fraîchement écloses
cinquante mille en train de graver leurs noms sur la pierre de la nuit
la mort s'enroule autour de leurs doigts comme une potence
ils bombardent le plafond de l'histoire avec leur lumière
et il s'écroule sur leurs têtes
la mort est partout
mais elle ne vient pas

un pied sur une corde menant vers un l'inconnu
l'autre dans l'abîme
mon jeune frère regarde comme la lune brisée
la moitié de mon coeur entre ses yeux
et l'autre moitié sur la place de la Liberté
Homs est un bout de l'enfer
une main referme la porte de la maison où je viens de rentrer
l'autre est au milieu du massacre
l'odeur de la poudre se rapproche
et partout le sang et la mort
mais elle ne vient pas

un matin
les détails de la vie : la première pluie de septembre
les gens s'emparent des jours comme les pigeons les grains
ils n'ouvrent la bouche que pour entonner des chansons oubliées
et fermer celles des fusils


Traduction : Lionel Donnadieu

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