jueves, 23 de enero de 2014

Poèmes de Thomas Baignères (France)

Sous Terre

Près de l’aube ensevelie
Mes vaines pensées naquirent

A l’ombre du cocher fleurissant
Mes songes prirent forme
Et mon âme s’endormit

Les vagues se mirent à susurrer
Hypocritement la recette d’un
Monde vermeil

Et moi, comme le premier naïf venu
Je me mis à les contempler
Les encenser
Les envier du regard

Elles me dictaient au fur et à mesure
Un étrange futur
Et mon cœur écharpé
Se voyait obligé d’engloutir
Mes pensées

Mon cœur
Mon cœur a tremblé
Aux milles flots mon cœur s’est renversé

Mon cœur a tremblé
Le temps a passé
Les astres ont vécu
M’ont vu éclore
Et me verront
M’éclipser

Depuis, mon souffle n’est plus
Qu’amertume
Le grand cœur ne me croit plus
Et les pensées sont impromptues

Des éclats marins aux éclaboussures célestes
Des navires ivres aux phares sans vie
De courtes peines en mares charnelles
Mon âme courte s’est plainte à terme
Mon cœur pur est mort à terme

De vagues effluves en rires éteints
De vagues en vagues
D’effluves en effluves
Il y a le signe d’un martellemment mort
Il y a le signe d’un sein gonflé
D’esquisses en esquisses

Il y a la trace
La trace de la trace
La trace d’une certaine trace
Des traces qui tracent
Outre les crasses des traces finies
Là où la finitude finit.


Sonate aux cent envolées

Volupté effacée
Cierges éteints

Le temps s’efface
J’urine et les vents vernissent

Mes mains tremblent, mes jambes frémissent
Mes âmes s’effeuillent, mes joues pleurent

Je stagne mourant
Mon cœur s’évade

Je suis seul. Qui parle ?

C’est le silence, murmurant, chuchotant
L’infini flot envoûtant de l’au-delà

Mes sens me lâchent
Le temps d’un infini moment de paradis, toujours incertain

Mes rêves s’écorchent, se dévorent

Je ne pense plus le détail
Il vient à moi
Comme une éternelle mare de gouttes d’eau
Se détachant une à une

De mes souvenirs, je ne me rappelle rien
De l’avenir, que le désir

Je veux entendre le silence à mes côtés

Percevoir l’imperceptible

Poème dénué de sens mais où va-t-il ?
S’est-il envolé ?

Désormais,

Je suis bien loin.

Le son vibre et j’écume



Séville ou ses clochers endormis,
Ces soirs d'automne
où, je me fonds dans le brouillard

Séville ou ses clochers endormis,
à moitié éteints et
ivres de beauté

Séville ou ses clochers endormis,
aux allures hivernales
un beau soir d'automne

Séville ou ses clochers endormis,
à la lueur d'une étoile
pâle et tremblante d'ébriété

Séville ou ses clochers endormis,
où je m'endors encore éveillé
les soirs de printemps

Séville ou ses clochers endormis
où la tristesse rime avec
l'ivresse et la beauté

Séville ou ses clochers endormis,
S'endormant au bruit des canons
flottants

Séville et ses clochers endormis
où la froide foudre
côtoie mon coeur amoureux

Séville et ses clochers endormis
où je m'endors
à peine

Séville et ses clochers endormis
où je m'écroule à la lueur d'une
bougie étoilée

Séville et ses clochers endormis
où l'âme reste
en suspens

Séville et ses clochers endormis
où l'aube n'apparaît
plus jamais

Séville ou ses clochers endormis,
Séville s'est endormi
au rythme des clochers

Séville
et
je m'endors ( je mens d'or)



Vieilleries

A mon unique
Très chère
Je lègue
Mes soupirs

Ceux qui d’une
Seule Volée
Jailliront
Vers l’oubli.

C’est en écoutant ton cœur trembler
Que je m’effraie



Fraction d’éternité

Si un jour je ne reviens pas
Si un jour je ne suis plus là

Pars et ne pense pas
Je serai là mais tu ne me verras pas

Dans l’écume, tu m’apercevras
La cime des arbres me dessinera

La lune scintillera de mes couleurs
Le vent te soufflera mon nom

La rivière coulera de mon sang

Mon âme périra loin de toi
Mais moi, je serai là, pour toi

Enlacés
Nous poursuivrons le soleil sans savoir qu’il n’est qu’astre

Tu me diras sans doute de grands mots
Peu importe car nous nous évanouirons juste après

Les cigales trembleront de nous voir si beaux
Et les bêtes noires vanteront notre passé

Abandonnés de tous nous serons éternels
Mais seulement peu de temps

Tu leur diras que j’ai eu tort
Tu leur montreras la beauté

Tu ne diras pas que je suis mort
Mais évanoui

Une fraction d’éternité


jueves, 12 de diciembre de 2013

Poèmes de Camilo Vargas Pardo (Colombie) en français



Indéchiffrable dans le mystère de la nouveauté
Le rêve est un prodige que l’on découvre
Nous arrivons à un présent rempli d’échos.
Voix, tableaux, sculptures, monuments.
¡La ville musée va te manger!
-On nous prévient-.
Combien d’Hemingway, Cortázar, Baudelaire;
Où est Dalí, Breton, Picasso…
et les autres qui se promènent
Par le Père Laichaise et le Montparnasse.
Je suis désolé mais on ne les a pas vus.

Mais une nuit on a vu le soleil sur la Seine.
Beauté insaisissable, surprise sur le vif.
Nous avons été ici l’embryon de la lumière.
Plus loin, depuis le pont
On ne voyait que deux ivrognes :
Les étrangers,
L’image au loin des inconnus.
Nous lançons la lumière vers un monde froid
Complices de la Seine nous sommes devenus le centre
et là, nous avons été soleil et secret.
Prodige partagé.


Artaud

Je suis l’étranger perdu
À la recherche de réponses lointaines.
Les sorciers de La Sierra
ne m’ont pas appris à garder le secret.
Ici on m’a déclaré fou
et on m’a appliqué le traitement de
L’imbécilité.
Ce n’était plus les chants, les danses
et les visions induites
pléthoriques de signaux
et de messages sacrés.
Ce n’était plus le rite du Tiguri
Ce n’étaient plus les vérités “autres”,
C’était la rigueur de la « Vérité »
et des chocs électriques.

Mais de quoi est-on fait,
mon ami?
Un destin qui résonne au fond
Là où la chair n’entend pas.


Fragances de paroles
Qui pollénisent le monde.
Miel du poète


À Ariana

À la fin de l’hiver le plus long
Des nuits interminables
Qui dilatent le temps.
Les questions inabordables.
Les questions sans fin
Le jour qui s’enfuyait
Le froid qui t’étreignait
Un vide de doutes
et là tu arrives
Tu viens en volant
depuis la profondeur
Comme une promesse
Tu arrives de moi
Soupir de mon fort intérieur
Tu viens avec moi
Fleur de mes vents
Perds-moi de ta présence
Garde-moi en toi
Amène-moi toujours la lumière
Vole vers moi
Regarde les couleurs de la vie
Amène le printemps à ce délire
Vie qui coule
Comme du sable
Pour habiter le temps
Comme quelque chose d’insaisissable.
Comme de l’eau infinie
Ma vie,
Tu es le rythme qui
amène les formes
La surprise d’un couple de mains
qui attrapent
La consolation d’une étreinte
Inespérée.
Tu es l’aujourd’hui et tu seras le demain
Tu seras hier en Octobre
Temps dans le temps.

lunes, 9 de diciembre de 2013

Poemas de François Szabó (Francia) en español


François Szabó tiene ahora cuarenta y seis años y sigue escribiendo en varios idiomas, después de más de veinte libros de Poesía, pero publica menos. Es a lo mejor una manera de vivir de otro modo, escribir y leer Poesía con avidez, pero hacer de cada libro algo como un ritual, una publicación que debe ser un momento de vida bien particular y no echarse en todas las direcciones. La publicación en revistas es algo muy interesante pues permite volver al momento preciso de la creación, sin saber en este momento cuando salga el nuevo libro, cuerpo y alma atados en adecuación.


1

La sed y la sal, de las dos necesito
Deseos engañosos que me hacen dudar
Con el calor poderoso del verano
No puedo más que buscar la sombra
Pero la sombra no es mía
Y debo pedir la noche al día
Así rodeando por el piso
Imágenes de Oasis como espejismos
Me duelen y duelen más
Sin acabar

2

El derroche no me hace vacilar
Estoy acostumbrado seguramente
Pues desafiar al destino
A menudo es mi tarea
No veo más que mi porvenir
Sin saber nada de ello por lo tanto

3

El gato soñador no me envidia
No hace más que soñar todo el tiempo
Y lo que hago le parece muy fútil
Por lo tanto nosotros estamos creando mundos
De paz y de ternura pero cuando vayamos a la fuente
No lo sabemos y no nos preocupamos de este tipo de preguntas

4

Han empezado por quitarse la ropa de los costumbres
Sin saber ni siquiera si valía la pena
Se han bañado en el placer sin saber nada del porvenir
Y ahora ¿que nos quedara del porvenir prometido?

5

Para que sepas lo que he vivido
Lo escribo en letras de arena
La última ola lo borrara
Pero en el libro de arena
Puedes leerlo enseguida

6

La confianza que sigue y las ataduras que siguen
La permanencia del ser de pie ante el porvenir
No debe hacer olvidar la labor de cada día escribiéndolo
Te agradezco vida por lo que fuiste y por lo que hemos encontrado:
¡Tu hijo! Y ¡tu hija! Los dos me hacen creer en mí
7

Echamos a cantar lo más delicado
Dedicamos este canto a la vida
Para que sean alegres
Y en la luz de cada mañana
8
Giran y giran
El espejo que enseña a la poesía
Giran y giran
La Tierra
Y todas visiones felices del alma
Giran y giran
Para un casi siempre

9

Se desdibuja el cielo
Hay que aguantar el día
Y la respiración cansada
Y este cielo
Donde el dado lanza estrellas de dichas
Me enseña el camino
La Vía Láctea de todos los posibles

10

Equivocarse de camino
Es algo normal
Encontrar el bueno
Es algo vital
Pero encontrar por fin
Una puerta abierta
Es lo increíble
Como un punto final


viernes, 6 de diciembre de 2013

Poemas de Myriam Bianchi (Uruguay) en español


Territorio Geográfico
A la bella Puerto Rico

En la ciudad
donde cantan
las piedras
sentí tu aliento fresco
y lo ignoré.
Ruedan por las calles empedradas
las páginas del viento,
vuelan sobre la porfiada
persistencia de la piedra.
Te alejaste lentamente
al no recibir respuesta,
tu débil intento
me dejó vacía.
Yo que fui braza ardiente
mudé al instantes
en cenizas.
Solo guardé de aquel momento
grabados a fuego
tus ojos, de almendra dulce,
Lo demás rueda
sin rumbo cierto
por las calles del
viejo San Juan.
Escapando cobardemente
de la suave brisa
que filtran pasivas
las palmeras
del trópico.


Péndulo

La sinuosa resistencia
de dos cuerpos
que oscilan
casi sin detenerse
me impulsa
al espacio
donde tu recuerdo
afiebrado
humedece
el pudor.


Arrogancia

Usa trajes Armani
es un hombre poderoso,
el mundo gira
alrededor de su podio
desmedrado.
Aunque a veces,
quizás en el resguardo
de la noche,
cuando ya nadie
le rinde pleitesía
se siente derrotado.
Se aísla
del ronroneo constante
de sus adoradores
y a solas
en la amplitud horizontal
se arrolla , el elfo
como en el vientre
de su madre.


Santa Teresa

Llegaste más allá
de los votos convencionales
cuando aprendiste
a amar sin miedos.
Recorrías inmaculada
las calles de Calcuta
acariciando sin temor
Los rostros emocionados
de los enfermos,
quienes supieron del privilegio
de ver antes que otros
tu aura celestial.
Pudiste vivir rodeada
de lujos, elegiste
trocar la burguesía
predicando en La India
del Mahatma Gandi,
de la no violencia.
India del eterno amor,
de la majestuosidad
en los jardines
y del reflejo oscuro
del Taj Mahal,
del Ganges sagrado
de los difuntos
y las lavanderas.
La India plagada
de mística poesía,
aromada de sahumerios
y mirra
de Rabindranath Tagore.
Esa que tú elegiste
la que acunó
tu despojamiento
franciscano.


Trapecistas

Caminamos
en la cuerda floja
limitados
en nuestras acciones,
sujetos
a falsos
convencionalismos
privados
en la libertad
de ser dueños
de nuestros propios
sueños….

jueves, 5 de diciembre de 2013

Poèmes de Winston Morales Chavarro (Colombie) en français



ANIQUIRONE

I

Et je vais cherchant les voix du chemin
pour les traduire
assurément elles porteront ton nom
j’ai appris à interpréter la voix du vent
celle-là même qui berce les feuilles entrouvertes
de ton arbre.

Aniquirone, Aniquirone !
le fleuve t’appelle
et dans les gouttes frénétiques de l’air
ton s’en va souffle accroché aux girouettes.

Dans la corbeille de mes mains
arrive impétueux le soleil
avec l’or et le blé de ton sommet
dois-je monter vers le commencement du langage ?

Là les mouettes racontent
les jours difficiles du ciel
le transbordement mystérieux des nuages
dois-je traduire la langue musicale des oiseaux moqueurs et des merles
pour te connaître ?

voici que tu me questionnes
femme aux longs rêves
et aux inexplicables transes
quel est le pays vers lequel tu m’invites ?

A peine sais-je comment tu t’appelles
Le fleuve me l’a conté
et je sais que Aniquirone
est le seuil des autres chemins.


II

Chaque fois que je me rapproche de Schuaima
la mort possède la voix
de multiples oiseaux
l’air bleu voltige de fibre en fibre
tandis que les pierres
jouent à prononcer ses mots peu communs
et les feuilles savent d’avance
que je suis nouveau venu en ce lieu.

Aniquirone
il y a un « je » qui m’arrête
qui s’applique au retour.

Parfois je pense
que cet habitant
jeune parmi les vieux
aime les mêmes choses
la porte obscure des possibilités
le fameux hasard des sollicitations.

Où vont toutes ces voix
qui me conduisent à ton règne ?
Je suis les feuilles qui volent empressés en tout sens
je suis la pluie et sa musique humide
je suis les oiseaux et leurs ondulations
il y a une similitude entre le langage des arbres
et le mien.

C’est seulement ainsi que je peux me rapprocher
seulement ainsi que je sais que j’existe
et que le chemin n’est pas chemin
sinon qu’il va chargé de mots et de voix.

Je suis à Schuaima
je suis arrivé avec la brise
seul son silence musical me satisfait
Aniquirone :
nous parlons de poésie !


III

Aniquirone
quand je descends les escaliers de la maison
je pense que c’est une autre manière d’arriver à Schuaima
- le règne du grand lointain -
Il se peut que descendre
soit une autre forme d’ascension.

de l’autre côté de ce jour
attend le train qui doit nous transporter.

Il pleut,
il pleut
minutes
la route opposée,
va le chemin
contrecoup à ce craquement de paysages.

A la fenêtre
le pont d’arbres
une porte
un arbre d’oiseaux bleus
la rivière d’escargots
tout s’agglutine autour de nous
seul le train va par le chemin
et avec lui
le chant distant des rails
la musique de la rue
la voix continuelle de la pluie
une lumière lointaine qui m’appelle.

Silence, silence !
Je m’en vais accroché au vent
je flotte
et je me rend compte
que la mort est musique
et qu’il faut l’écouter la mort
avec les oreilles alertes.


LES OiSEAUX

Des oiseaux il y en a à Schuaima
comme les sapins en Chine
ou les orientaux mystiques sur les berges du Nil.

Oiseaux parés de lumière :
fauvettes, navires, idiots, goélettes,
routes, serpentaires, piquiers à pattes bleues.

Les oiseaux de cette Terra
connaissent les violettes de Parme, les taons de l’est,
les arborescences du Mississippi;
mondes possibles dans le crépitement de leurs ailes pluvieuses;
oiseaux qui paraissent être nuages d’arbres et de blé
remontant leur vol
par forêts de myrtes y dindes balsamiques.

Ceux-ci ,
les voyageurs de cet océan nu
les oiseaux que rêvera la Douce Aniquirone
dans sa chanson en mémoire de la forêt.

Oiseaux de Schuaima
pourvus d’ailes, de lumière et de jungles
dites-moi :
qu’est-ce qui gravite autour des autres plages ?


LES FLEUVES

Comme un volcan sa chanson de feu
comme une colline de neige rouge,
ainsi vit Schuaima peuplé de fleuves.

Fleuves qui descendent par les plaines
comme des filles nues
avec des tresses d’eau dans leurs bouches.

Le fleuve le plus grand de Schuaima
s’appelle Calixthe.

Il remplit la lune
la voit descendre endormie
par les pierres et les campanules de la vallée.

L’écume avec son rire blanc l’appelle
Calixthe, Calixthe !
gravite le fleuve avec ses plumes d’eau
parce que le vent baise sa mort
et son ronflement de dromadaire.

Là est-il
flottant dans une mer de fleuves Schuaima
innombrables volcans parlant de l’eau :
Paris en forme de lac,
Rogitama un ruisseau de poissons,
Calixthe et ses visages d’argent
vidant ses yeux
dans des amphores de poissons.

Comme un miroir avec face d’homme
comme un penseur de Rodin sur la flaque d’eau
gît Schuaima peuplé de fleuves.

-bas vont les hommes moribonds
pour laisser leurs souvenirs et leurs visages.


Celui-ci est l’arc de l’oubli
le fleuve dans lequel la mémoire descend
entre les collines de rêves
et l’homme s’en va en dormant
tandis que l’eau lui baisse les paupières.


L'EXIL D'EVE

Quelle est belle Eve
Qu’il est beau le serpent qui l’entoure
l’arbre qui croit en elle
le fruit charnel que déploient ses lèvres
quand elle les pose sur l’ocarina
sa musique aux abords du bois.

Quelle est belle sa chevelure
- plumes obscures qui tombent sur ses épaules parfumées -
son nez qui respire d’autres mondes
et crée pour tant de labyrinthes
la fleur d’oranger et les guirlandes qui les remplacent.

Quelle est belle Eve
quelles sont belles ses chevilles
les empreintes qu'elle dessine sur le sable
pour marquer le chemin vers la lumière et vers les ombres.

Qu’ils sont beaux les fils que le monde lui a donnés
beau le fleuve qui descend par les collines de son ventre
beau le volcan de ses yeux de feu.

Qu’elle est belle cette côte pensante
cette poussière sacrée
ce roseau aromatique
qui garde dans ses poumons parfumées
une autre pomme pour les saisons de pluie.


LAZARE
A Jader Rivera Monje.

Maintenant que je suis tant de choses en même temps
maintenant que j’asume mes vies passées
et les lance à la chair ou à la boue
pour qu’elles deviennent des poèmes
ou de petites feuilles qui s’opposent
à l’air ridé du Zaïre
On m’appelle Lazare.

Je suis Lazare
le fils de Béthanie
le frère de Marthe et de Marie
j’ai connu la mort
son fleuve de roses, de glaïeuls, de violettes, de myrtes et lierres
que j’ai transité, navigué et respiré
durant les quatre jours que dure
cette odyssée par le monde fascinant des ombres.

Je suis Lazare
J’ai soixante-dix noms
musique, vent, oiseau, boeuf, pluie
sont certains de ces noms
je crois en la resurrection
en la survie
en le souffle chaud qui se propage
au-delà de ces tribus.

Je me suis levé de la boue neuf fois
et maintenant
je suis la poussière qui ne retournera pas à la poussière.

Mes mains et pieds
Ont encore leur aspect d’enterrement
mais aussi il est certain
que sous mon corps croit l’herbe
qu’entourent le vers de terre, le mille-pattes, les calambrines odorantes,
la mouette qui remonte son vol
à la recherche d’autres courants d’air.

Je suis Lazare
habitant de Béthanie
ami des synagogues
de Canaan, de Capharnaüm, de Nazareth, de Galilée
et d’autres terres lointaines
dont les noms ne se comprendraient pas.

J’ai le visage couvert d’une étoffe
mais chaque fois que je m’ouvre à la vie
chaque fois qu’un papillon
me rappelle que je suis né de nouveau
l’étoffe cède passage
à d’autres étoiles, à d’autres lumières, à de nouvelles espèces animales,
à d’autres chemins.

Je suis Lazare
et en ce voyage vers la fin de la vie
je m’assierai sur une autre roche
à filer le cordon sacré
le morceau de fleuve
qui me rendra à un autre courant
où toutes les voix clament,
où toutes les musiques chantent,
où toutes les pluies disent :
Lazare, lève-toi ! ”



Traductions de Marcel Kemadjou Njanke.